La hasard du calendrier s’était montré facétieux.


Le jour où le tournoi de Roland-Garros devait jouer une partie de son avenir dans la bataille juridique qui oppose la Fédération française de tennis (FFT) aux adversaires acharnés de l’agrandissement du stade prévu à l’horizon 2018 correspondait au coup d’envoi de l’Open d’Australie.


Mais à la veille de rendre sa décision, le Tribunal administratif de Paris, qui avait prévu de délibérer sur la validité juridique du projet d’extension, a reporté son audience du 14 janvier au 11 février.


Il n’empêche: les brumes qui entourent le futur de l’épreuve parisienne contrastent spectaculairement avec le beau fixe (voire le soleil de plomb) qui règne sur Melbourne où l’avenir du tournoi s’annonce, lui, resplendissant.


Dans l’ordre du calendrier, l’Open d’Australie est le premier des quatre tournois du Grand Chelem, mais en termes de prestige, il occupe seulement la quatrième place dans l’esprit des joueurs qui le considèrent comme le moins «important» derrière -dans la hiérarchie généralement admise- Wimbledon, l’US Open et Roland-Garros.


Cette position tient à deux facteurs essentiels.


Le premier est géographique.


Il n’a jamais été une sinécure de rallier l’Australie et les joueurs du passé avaient donc l’habitude de le rayer de leur programme ou de le négliger par simple commodité.


Le tournant des années 1980 Le second est lié au fait que le tournoi était en perdition dans les années 70 et au tout début des années 80.


Moins bien organisé, l’Open d’Australie, qui avait de surcroît l’originalité de se disputer… à la période de Noël, s’était complètement démonétisé.


Björn Borg ne le disputa d’ailleurs qu’une fois dans sa carrière à l’âge de 17 ans.


Jimmy Connors s’y imposa en 1974 lors de l’une de ses deux seules apparitions.


Chez les hommes et chez les femmes, le palmarès compte donc des finales aussi «illustres» que celles ayant opposé Johan Kriek à Steve Denton en 1981 et 1982, Chris O’Neil à Betsy Nagelsen en 1978 ou Barbara Jordan à Sharon Walsh en 1979.


Le standing de l’épreuve commença à se rehausser vraiment à partir de 1983, mais il était clair alors que le vieux stade de Kooyong, à Melbourne, était devenu trop vétuste.


Le tournoi fit donc sa révolution avec la construction d’une autre enceinte, au cœur de la ville, aujourd’hui connue sous le nom de Melbourne Park, ainsi que par le biais d’un changement de dates (le tournoi se déroula en décembre jusqu’en 1985 et passa ensuite en janvier) et de surface (le gazon fut abandonné au profit d’une surface résineuse appelée Rebound Ace).


Mais l’innovation la plus spectaculaire consista en la création d’un central doté d’un toit amovible capable de se fermer en cas de pluie ou de trop grosse chaleur comme c’est souvent le cas en janvier sous ses latitudes.


L’inauguration de cette arène eut lieu en 1988.


Deux centraux couverts Cette Rod Laver Arena -c’est son nom- a la particularité d’être multi utilitaire, contrairement aux autres centraux du Grand Chelem, dans la mesure où elle abrite des concerts le reste de l’année.


En 2001, un central bis de 10.000 places, également couvert, est sorti de terre à son tour et sert, lui, accessoirement de vélodrome -il a été le cadre des derniers championnats du monde de la discipline.


L’Open d’Australie a non seulement comblé son retard avec ses cousins du Grand Chelem, mais il a même fini par les ringardiser avec ses deux centraux couverts quand Roland-Garros et Flushing Meadows n’en ont pas un seul, au point d’avoir été contraints tous les deux en 2012 à une finale terminée le lundi à cause de la pluie.


Au fil des ans, le parent pauvre du Grand Chelem est devenu de surcroît un nouveau riche dopé récemment par la forte croissance de l’économie australienne (3% anticipés en 2013).


Un autre plan de modernisation est par exemple acté pour les prochaines années pour une somme de 366 millions de dollars australiens avec notamment… la couverture d’un troisième court d’une capacité de 7.500 sièges et l’élargissement de la Rod Laver Arena qui devrait grossir de 15.000 à 17.000 places.


De quoi faire rêver la FFT, en but à la résistance farouche des riverains qui ne comptent pas se laisser imposer des travaux dont ils ne veulent pas.


Le record de spectateurs de l’Open d’Australie, qui date de 2010 avec 653.000 entrées sur la quinzaine (contre 430.000 à Roland-Garros), sera logiquement battu dans le futur avec la possibilité alors offerte de pouvoir accueillir 60.000 personnes lors d’un même après-midi (contre 35.000 actuellement à Roland-Garros).


En 2012, 80.000 personnes ont franchi les grilles du stade lors des deux sessions du premier samedi (on joue aussi le soir à Melbourne).


Record mondial.


Aujourd’hui, l’Open d’Australie est le tournoi du Grand Chelem qui donne incontestablement le ton en termes d’organisation -privilège qui fut celui de Roland-Garros dans les années 80 au temps de Philippe Chatrier, président visionnaire des fédérations française et internationale.


Comme un pied de nez à ses autres confrères du Grand Chelem (mais néanmoins rivaux, ne nous trompons pas) qui le regardaient de très haut il y a 30 ans, le tournoi s’est offert le luxe, pour cette édition 2013, de faire exploser ses prix pour devenir le tournoi le plus richement doté de l’histoire avec un total de 31,1 millions de dollars australiens soit cinq millions de plus que l’année précédente.


«Les joueurs nous disent que nous sommes devenus les meilleurs» Pour continuer à s’attirer les faveurs des joueurs, notamment les moins argentés, les organisateurs ont rajouté une prime de 1.000 dollars à la dernière minute afin d’aider les compétiteurs à mieux couvrir leurs frais de voyages (rappelons que les joueurs ne paient pas leur chambre d’hôtel offerte par le tournoi).


Les Australiens ne connaissent pas, ou plus, la crise et entendent le faire savoir.


«Les joueurs nous disent que nous sommes devenus les meilleurs», a publiquement claironné Craig Tiley, le directeur du tournoi, en préambule du tirage au sort, vendredi 11 janvier.


Mais avant de devenir cette formidable machine de guerre économique, l’Open d’Australie a toujours eu, il faut le souligner, une place à part dans le cœur des joueurs et des observateurs qui le considèrent comme le tournoi le plus agréable depuis longtemps.


Organisée au cœur de l’été austral, l’épreuve est, de loin, la plus conviviale des quatre rendez-vous du Grand Chelem avec de larges pelouses sur lesquelles il est possible de s’étendre de tout son long ou d’écouter des concerts en sirotant une bière.


Le stress, inhérent à Roland-Garros, Wimbledon et l’US Open, est moins palpable dans un lieu rempli de gens décontractés en petite tenue et qui aiment vraiment le tennis.


Car l’Open d’Australie dispose indéniablement du meilleur public, à la fois très connaisseur et très enthousiaste qui contraste avec la foule frondeuse de Roland-Garros, trop polie de Wimbledon et mal élevée de Flushing Meadows.


Le sport fait partie, il est vrai, de la manière de vivre des Australiens et ils savent l’apprécier mieux que les autres, au bord d’une piscine olympique ou d’un court par 45° à l’ombre.


A tous les points de vue, l’Open d’Australie est désormais devenu le meilleur tournoi du Grand Chelem de l’année.

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