“Ceux qui ne savent pas où ils vont sont surpris d’arriver ailleurs.” Pierre Dac
La recherche, le métier que vous avez délibérément choisi, est un métier essentiellement élitiste et de vocation. Ce dernier vient du fait qu’il n’existe très souvent aucune contrainte formelle de rentabilité imposée au chercheur. L’organisme publique qui vous recrute compte sur votre bonne volonté. Il attend de vous que vous participiez au rayonnement de la recherche nationale.
Plusieurs métriques existent pour mesurer le niveau de rayonnement d’un chercheur. La métrique la plus utilisée est l’indice de Hirsch (notée h-index), du nom de son inventeur. Le h-index indique l’importance de la citation de vos publications par d’autres chercheurs. D’après Hirsch: "Un scientifique a un indice h si h de ses Np articles ont chacun au moins h citations, et les autres (Np-h) articles ont au plus h citations chacun." (extrait de Wikipédia). Bien que cette métrique indique le niveau de rayonnement d’un chercheur, il ne permet pas de savoir si ce rayonnement se situe dans la sphère des chercheurs réputés. (Une définition de la notion de chercheur réputé est donnée ci-dessous). Le rayonnement auprès de ces derniers est le rayonnement productif, c’est à dire celui qui indique l’influence des travaux du chercheur sur l’avenir. Il est beaucoup plus facile d’atteindre un rayonnement non productif compte tenu du fait que la proportion des chercheurs moins réputés est largement plus importante que la proportion des chercheurs réputés. Dans mes débuts, j’ai longtemps cité et considéré un chercheur dont je ne divulguerai pas l’identité comme une référence dans le domaine du Cloud Computing. Celui-ci possède un h-index de 120 à l’heure où j’écris ce livre, sachant qu’au delà d’environ 20 vous êtes considérés comme un chercheur réputé par ceux qui utilisent cette métrique. Ce chercheur est considéré par la grande majorité des chercheurs de mon domaine comme une sommité. Or, depuis que je me suis intéressé aux conférences réputées (voir ci-dessous), je me suis rendu compte que la très grande majorité des travaux de ce chercheur n’auraient aucun impact sur l’avenir. C’est la raison pour laquelle, le h-index ne représente pas à mon sens une métrique valable. Plusieurs scientifiques ont d’ailleurs démontrer comment améliorer artificiellement son h-index.
Ce qui compte est donc le rayonnement productif, tel que défini ci-dessus. Par conséquence, ne publiez vos travaux que dans des conférences ou journaux fréquentés par les chercheurs réputés de votre domaine. Ces conférences et journaux sont connus. En effet, les conférences et journaux sont classés selon leur niveau de réputation. Parmi les classements existants, le plus utilisé par les chercheurs réputés est le classement australien core ranking1 . Ce dernier utilise les notations A*, A, B et C pour classer les conférences et journaux des plus réputés aux moins réputés.
La réputation d’une conférence est caractérisée par la réputation des membres du comité de relecture des articles. L’on pourrait penser à une situation de cul de sac: pour être considéré comme un chercheur réputé il faut en quelque sorte avoir l’approbation des chercheurs réputés. D’où ces derniers tirentils leur légitimité? Cette légitimité provienne des pionniers de chaque domaine de recherche. En effet, les pionniers (légitimes à leur époque) ont été à l’origine des premières conférences réputées, ainsi que de la constitution de leur comité de relecture. Les chercheurs approuvés par ces pionniers, ainsi que ceux formés par ces derniers ont permis la perpétuation du mode de sélection rigoureux des conférences et journaux réputés. A titre d’exemple, le professeur Frans Kaashoek du MIT, encadré en thèse par le professeur Andy Tanenbaum de l’université de Vrije et pionnier des systèmes d’exploitation, participe à la constitution de nombreux comités de relecture de plusieurs conférences et journaux classés A* et A du core ranking. Ces chercheurs réputés participent rarement au comité de relecture des conférences et journaux de rang inférieur à A, sauf s’il s’agit de conférences ou journaux en cours de création par un groupe de chercheurs réputés. Notons que le core ranking met à jour son classement tous les ans afin de prendre en compte l’évolution du niveau d’exigence des conférences et journaux.
Le point étant fait sur la pertinence du classements des conférences et journaux, l’élitisme qu’exige votre métier de chercheur consiste à ne s’intéresser qu’aux productions de rang A* et A. Les chercheurs réputés adoptent essentiellement cette attitude. Ce n’est qu’en vous confrontant aux productions réputés que vous serez en mesure d’en produire des travaux de ce calibre. Vous ne devez penser vos travaux qu’en fonction de leur capacité à aboutir à une publication dans une conférence ou journal de rang au moins A, bien que difficile d’accès. Le reject d’une soumission ne doit pas être un motif de découragement. Ceci est le lot commun de tous les chercheurs, y compris les chercheurs réputés dont le nombre de important de doctorants masque les échecs vu de l’extérieur. Les conférences et journaux de rangs B et C ou non classés ne doivent pas faire partie de vos objectif. Ils représentent une perte d’énergie.
En résumé, vous devez être au courant des conférences et journaux réputés de votre domaine, des chercheurs nationaux et internationaux réputés. Il en est de même pour vos doctorants qui doivent partager le précepte présenté dans ce chapitre. Il est de votre responsabilité de le leur inculquer cela.